Parcours personnel

Expert en Systèmes de Performance Management pour les grands groupes, j'ai, très tôt, été convaincu des apports certains du standard XBRL à ce domaine d'activité. Membre actif de XBRL France, XBRL Europe et XBRL International, j'exerce en tant qu'expert sous la raison sociale etXetera. J'ai représenté Cartesis en tant que membre fondateur de XBRL France.
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vendredi 3 février 2012

XBRL CONTRE EDI ? En France, l’administration fiscale utilise le langage de dématérialisation EDI, or, XBRL est plus moderne et surtout universel



Pierre Hamon est consultant, expert en systèmes de performance management et grand promoteur du format XBRL. Pour nous, il fait le point sur ce standard libre utilisé mondialement pour communiquer des données financières.

On parle beaucoup des « technologies libres » et des langages XML et XBRL qu'elles utilisent. Que représentent-ils par opposition à des langages propriétaires ? 

XML est un langage ouvert, intégré aujourd'hui à tous les systèmes informatiques. XBRL est une déclinaison de ce langage. Concrètement XML fonctionne avec des schémas et XBRL est la standardisation d'un schéma, spécifique aux données financières. Avec les langages propriétaires, souvent couverts par une licence, chaque application fonctionne avec son propre langage. XBRL est un langage d’échange générique, un standard qui prend en compte toutes les spécificités de l'information financière. Lorsqu'on envoie une information en XBRL, on envoie en même temps la langue qui permet de la lire (le standard) et la grammaire qui permet de la comprendre (la taxonomie).

Quelle est son utilité dans le monde financier ?
Si l'on numérise des données c'est pour pouvoir les transférer d'un ordinateur à l'autre, c'est le principe de la dématérialisation. Pour cela des langages de dématérialisation existent. En France, l'administration fiscale utilise le langage EDI mais il n'a pas été généralisé il est donc, de facto, un langage propriétaire utilisé uniquement par l’administration fiscale. XBRL est beaucoup plus général. Par exemple, les États-Unis ont rendu obligatoires toutes les soumissions d’états financiers à la SEC en XBRL, toutes les sociétés américaines cotées fournissent ainsi leurs états dans ce même standard. N'importe qui peut lire les états financiers de la même manière, la valeur de chaque élément est définie exactement de la même façon pour tout le monde.

Où en sommes-nous en France et dans le monde ?

Aujourd'hui XBRL est la nouvelle technologie. Les pays qui n'avaient rien pour dématérialiser les déclarations fiscales ont adopté XBRL, plus moderne qu’EDI créé, lui, dans les années 1980. En France, la Banque de France a imposé tous les reporting bancaires en XBRL. Idem pour les régulateurs bancaires de pratiquement tous les états européens puisque la décision a été prise par l’autorité bancaire européenne. Dans de nombreux pays c'est le contrôleur de la Bourse qui impose XBRL : États-Unis, Japon, Chine, Inde, Espagne, entre autres. En France, Infogreffe accepte les comptes de sociétés déposés en XBRL et les registres du commerce de presque tous les pays européens également. Le but est de répondre à la directive européenne qui établit que les données financières doivent être échangeables d'un pays à l'autre. Des problèmes d'harmonisation comptable persistent cependant.

Est-ce bien le moment d'officialiser le format XBRL ?
Oui c'est le moment. Il est dommage qu’aucun organisme français ne l’ait encore fait pour ses reporting. Les logiciels comptables ne sont pas prêts à produire le XBRL, en France en tous cas. Pourtant ce sont les mêmes éditeurs qui fournissent des rapports en XBRL en Angleterre, en Allemagne et ailleurs...mais qui n'offrent pas la fonction ici. Pour autant, la technologie existe et les  groupes qui ont de gros besoins d’échanges de données financières peuvent d’ores et déjà s'en servir de manière interne, pour leurs propres besoins. De manière officielle, il faut que l'organisme auquel on va reporter ait adopté XBRL et défini sa taxonomie. XBRL France a préparé une taxonomie Comptes annuels sur la base du Plan comptable général, ce qui permet à tout le monde de reporter des comptes en XBRL, mais à deux conditions : qu'il y ait eu de la formation sur le sujet et que les éditeurs fournissent la fonction reporting XBRL dans leurs applications. Aujourd'hui un seul le fait parce qu'il a été très impliqué dans la déclaration fiscale EDI et a compris tout l’intérêt de XBRL mais sinon les éditeurs ne fournissent pas la fonction faute  de demande.

Au quotidien, qu'est-ce que l’expert-comptable peut attendre de l'usage d'une telle technologie ?
Soit son client est une société française et il n'y a pas encore d’obligation de reporting en XBRL. Soit son client est la filiale d'un groupe international et là où il faisait des reporting quasi papier, XBRL lui apporte une technologie presque automatisée. Il prend les comptes français, établit une table de passage vers le format de la maison mère et produit son reporting. Demain les reporting en XBRL pourront être complètement automatisés. Cela simplifie le travail récurrent du reporting puisqu'il suffit de faire un mapping entre les comptes produits par l’application comptable et le référentiel de reporting du demandeur de l'information. Ces technologies sont fiables et vérifiables : XBRL comprend une fonction de calcul permettant de valider les données. Le bouleversement n'est pas seulement technologique. Il est question d'échanges formalisés de données entre tous les acteurs de la chaîne financière : du producteur de données à l'analyste ou l’utilisateur. Du fait qu'on a dématérialisé la donnée, on évite aussi les envois/réceptions de papier, la ressaisie et la transformation des données...tout ce qui prend énormément de temps.

Paru dans IFECMAG n°48 – 4° trimestre 2011