L’objectif de cet article est de décrire succinctement et sur la base d’un exemple concret, comment une recommandation peut rapidement devenir une taxonomie XBRL mise à la disposition des « remettants ». Il tend à montrer comment XBRL peut aider à structurer la recommandation et ce qu’apporte XBRL en termes de collecte et d’analyse de l’information.
La recommandation
Il s’agit à l’origine des Recommandations sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, émises par l’AFEP et le MEDEF en Octobre 2008.
Cette recommandation a été reprise par une recommandation émise le 22 décembre 2008 par l’AMF : Recommandation de l’AMF relative à l’information à donner dans les documents de référence sur les rémunérations des mandataires sociaux.
L’objet de cette recommandation est de décrire l’information à donner sur les rémunérations des mandataires sociaux et les programmes d’options. Il est précisé :
En conséquence, l’AMF recommande aux sociétés cotées de présenter dans leur document de référence l’ensemble des informations relatives à la rémunération des dirigeants, selon les modalités précisées dans la Recommandation, étant rappelé que :
- la présentation des informations relatives aux rémunérations conformément aux termes de la présente recommandation satisfait aux exigences prévues par le code de commerce s’agissant des informations à faire figurer dans le rapport de gestion ainsi qu’à celles définies par les textes applicables concernant l’établissement d’un document de référence ou d’un prospectus;
- le document de référence peut faire office de rapport annuel (incluant notamment le rapport de gestion) présenté à l’assemblée générale des actionnaires dès lors que toutes les informations requises par la loi y figurent ;
- l’information relative aux rémunérations des dirigeants demandée dans le document de référence remplit les exigences du Règlement européen en la matière.
Il est proposé dans la recommandation, de présenter les informations dans des tableaux. Les tableaux 1 à 7 de la recommandation AFEP / MEDEF sont repris par la recommandation AMF qui y apporte quelques précisions. L’AMF complète cette information par trois tableaux supplémentaires.
Il est important de noter trois points importants au regard de XBRL dans ce cas :
- Il ne s’agit pas de créer de nouvelles obligations mais de donner une structure à l’information déjà exigée des entreprises. « La Recommandation de l’AMF ne créé pas de nouvelle obligation pour les sociétés cotées en matière d’information sur les rémunérations et les avantages des mandataires sociaux, mais réalise uniquement une synthèse et un guide pratique des informations à fournir au regard des textes existants en la matière. »
- Les modèles de tableaux ne sont pas obligatoires mais indicatifs de l’information à fournir : on privilégie le contenu par rapport à la forme. « Les émetteurs utilisent les tableaux reproduits ci-après ou d'autres modèles de tableaux à condition que l'information donnée soit équivalente. »
- Les tableaux ne sont pas nécessairement suffisants à la compréhension de l’information, un texte supplémentaire est éventuellement nécessaire. « La présentation de ces tableaux n’exonère pas l’émetteur, pour la bonne compréhension des informations, de fournir des explications nécessaires et utiles notamment au regard des principes applicables dans les recommandations AFEP/MEDEF. »
L’établissement de la taxonomie
La recommandation AMF constitue un réel cas d’école pour XBRL. Les trois points précisés ci-dessus sont tout à fait adaptés à la création d’une taxonomie XBRL :
- l’information est structurée : c’est exactement l’objectif du langage XBRL qui est de structurer l’information financière par la définition et la hiérarchisation des éléments d’information dans une taxonomie ;
- la forme n’est pas obligatoire : en effet, le langage XBRL s’attache à décrire le flux de l’information financière et ne fournit pas d’indication quant à la forme de la saisie ou de la restitution ;
- les tableaux doivent être complétés par du texte : le langage XBRL permet de véhiculer des montants et du texte et toute autre type de données incluses dans un rapport financier : dates, nombres de titres, valeurs unitaires de titres, etc.
La création d’une taxonomie commence par une analyse fonctionnelle de l’information à véhiculer.
Cette analyse consiste à comprendre ou à préciser la définition de chaque montant ou information requise. Par exemple, s’il s’agit de montants bruts ou de montants nets ou des deux, il va être nécessaire de créer des éléments de taxonomie précis et levant cette éventuelle ambigüité.
Il faut également détailler l’information de manière à ce qu’il y ait un élément de taxonomie pour chaque « case » d’un tableau ou pour chaque information. Par exemple, lorsqu’un intitulé de colonne indique la période de validité d’un plan d’option, il va falloir définir deux éléments de taxonomie pour indiquer d’une part, la date de début de validité et d’autre part, la date de fin.
Il faut enfin s’assurer que la même information est définie par un élément unique, même si elle figure à plusieurs endroits dans les tableaux. Par exemple, la rémunération due à un dirigeant indiquée dans le tableau de synthèse 1 est la même que le total du tableau récapitulatif des rémunérations 2.
Le résultat de l’analyse est une liste d’éléments dont les libellés suivent des règles de construction de manière à les rendre compréhensibles en dehors du contexte des tableaux et cohérents entre eux. Cette liste est également hiérarchisée : présentation et calcul (lorsque les éléments de détail doivent s’agréger dans des totaux et sous-totaux).
Le langage XBRL accepte toutes structures de données, de la plus simple « liste » aux plus complexes « multidimensionnelles ». Il a lieu, lors de l’établissement d’une taxonomie de définir la structure la mieux appropriée à la saisie et l’exploitation des données qu’elle va permettre de véhiculer. Il faut conserver un équilibre entre la technologie qui offre des possibilités quasiment illimitées et la compréhension et la prise en main par l’utilisateur qui doit rester l’objectif premier. La solution la plus « simple » pour l’utilisateur et la plus proche du métier doit être favorisée.
Il se trouve, dans le cas présent, que l’information demandée est limitée en volume mais complexe dans sa structure. Deux axes d’analyse structurent la plupart des tableaux : d’une part les mandataires sociaux dirigeants ou non dirigeants (tableau 3 des jetons de présence) qui doivent être listés individuellement et d’autre part, les plans d’attribution d’actions ou d’options qui doivent être listés par numéro de plan ou description. Les montants, nombre d’actions ou d’options attribués ou levés, sont à indiquer au croisement de ces deux axes d’analyses. Il y avait donc lieu de créer une taxonomie dimensionnelle grâce à laquelle, les éléments liés à chaque mandataire social et chaque plan ne sont saisis qu’une fois et sont utilisés pour saisir les montants et informations se trouvant au croisement de chaque valeur. Cette structure de l’information dans la taxonomie permet de se détacher de la forme des tableaux pour saisir l’information et créer le rapport XBRL.
La construction finale de la taxonomie correspond à la partie technique de la mise en forme des fichiers .xml qui constituent la taxonomie : fichier d’entrée .xsd, fichier des éléments et fichiers de liens de présentation, de calcul et de libellés. Lorsque la taxonomie est complexe comme dans cet exemple, il faut également construire les fichiers des dimensions et de liens entre les éléments et les dimensions.
Il existe des outils qui aident à cette construction et qui permettent de créer des taxonomies valides au regard des spécifications précises XBRL. La taxonomie doit en effet être tout à fait générique de manière à pouvoir être lue et exploitée par toute application adaptée au traitement du langage XBRL. Il est d’ailleurs bon de s’assurer qu’elle est lisible et validée par plusieurs éditeurs XBRL avant de la publier.
La mise à disposition de la taxonomie
La taxonomie ainsi créée est tout d’abord testée : techniquement et fonctionnellement, puis mise à disposition à tout émetteur ou tout destinataire des rapports XBRL.
Les émetteurs peuvent utiliser la taxonomie de plusieurs manières :
- s’ils ne sont pas tout à fait familiers du langage XBRL, pour s’assurer, par simple lecture de la taxonomie, de l’exhaustivité des informations relatives aux rémunérations des mandataires sociaux qu’ils produisent ;
- pour préparer manuellement des rapports XBRL des rémunérations des mandataires sociaux grâce à des outils adaptés qui permettent de saisir les informations dans les modèles proposés et qui produisent le rapport XBRL ;
- pour produire automatiquement les rapports XBRL par interface avec les applications contentant l’information.
Utilisations de la taxonomie
Intérêt d’une taxonomie XBRL
L’intérêt de disposer d’une taxonomie XBRL dans l’exemple des rémunérations des mandataires sociaux est :
- Pour l’émetteur, de ne produire l’information qu’une seule fois. En effet, l’information produite par utilisation de cette taxonomie satisfait, comme indiqué dans la recommandation de l’AMF, aux exigences prévues par le code de commerce s’agissant des informations à faire figurer dans le rapport de gestion ainsi qu’à celles définies par les textes applicables concernant l’établissement d’un document de référence ou d’un prospectus; au contenu du rapport annuel (incluant notamment le rapport de gestion) présenté à l’assemblée générale des actionnaires et aux exigences du Règlement européen en la matière.
- Pour les utilisateurs, de disposer d’une information structurée, comparable d’un exercice à l’autre et d’une société à l’autre et de pouvoir construire de manière générique des analyses fiables sur les données produites.
Développements futurs
L’information véhiculée par cette taxonomie constitue une brique de la taxonomie plus large concernant les Informations réglementées et dont la construction a été entreprise par un groupe de travail ad hoc constitué au sein de XBRL France.
Le fait que les informations fournies par cette taxonomie satisfont aux exigences du règlement Européen en la matière permet d’imaginer, à court terme, du développement équivalent de taxonomies dans les divers pays d’Europe et d’établissement de compilation et de comparatifs au niveau Européen. Un des objectifs de XBRL Europe est de coordonner le développement de telles taxonomies dans les divers pays d’Europe de manière à favoriser leur interopérabilité.
Article publié dans la newsletter n° 10 de xbrl France: xbrl.fr